36, rue Vivienne ­ 75002 Paris   |    01.86.95.02.40  |    secretariat@dear-avocats-paris.com

Concurrence déloyale : limite à la preuve de la déloyauté d’un salarié

Un employeur suspectant des actes de concurrence déloyale de la part de l’un de ses salariés, a saisi le président d’un tribunal de grande instance d’une demande de mesures d’instruction au domicile de son salarié par une requête fondée sur l’article 145 du code de procédure civile.Cet article permet, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, de solliciter des mesures d’instruction légalement admissibles sur requête ou en référé.

La requête a été accueillie favorablement et l’employeur a pu faire des opérations de constat au domicile de son salarié. Celui-ci a agit en rétractation de l’ordonnance.

Le salarié a invoqué une atteinte à sa vie privée, et la violation de son domicile. Il considérait que les mesures portaient atteinte au droit au respect dû à la vie privée qui ne pouvait être justifiée qu’à la condition que la mesure soit strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense et proportionné au but recherché.

Selon le salarié, tel n’était pas le cas dans la mesure où le champ d’investigation de l’huissier, dont la mission était de se rendre à son domicile pour se faire remettre ou/ et rechercher, au besoin dans le ou les ordinateurs qui équiperaient les lieux, tous documents commerciaux comptables ou sociaux qui établiraient l’existence et se rapporteraient à une activité déployée dans le secteur d’activité de l’employeur.

Les juges ont rejeté la demande de rétractation. Pour justifier leur décision, les juges se sont fondés notamment sur une enquête confiée par l’employeur à un détective privé qui a procédé à une filature du salarié de la sortie de son domicile jusqu’à son retour. L’enquête a été réalisée sur sept jours dont six au cours desquels le salarié avait un planning d’activité précis à réaliser pour le compte de son employeur. Selon les juges, l’enquête ne présentait aucun caractère disproportionné au regard de la nécessaire et légitime préservation des droits et intérêts de l’employeur.

Un pourvoi en cassation a été formé.

L’arrêt a été cassé au visa des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil et 145 du code de procédure civile.

La cour de cassation reproche aux juge de ne pas avoir écarté un moyen de preuve illicite pour caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction avant tout procès.

La filature du salarié n’était pas un mode de preuve licite.

 

Cour de Cassation 17 mars 2016 n° 15-11412